L’Agence française anticorruption (AFA) a organisé, le 2 décembre 2024, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, en partenariat avec l’École nationale de la magistrature, un colloque consacré à la corruption et la criminalité organisée.
L’objectif de ce colloque était de rassembler les différents acteurs mobilisés afin de dresser un état de la menace que constitue la corruption liée à la criminalité organisée dans les administrations de l’État, notamment régaliennes ainsi que d’identifier les axes de travail pour mieux y faire face.
(c) Celia Bonnin / MINEFI
Le colloque a été ouvert par Didier Migaud, garde des sceaux ministre de la justice, qui a alerté sur la gravité du risque de voir les groupes criminels recourir à la corruption pour développer et protéger leurs activités et a appelé à un renforcement des actions de prévention, de détection et de répression des atteintes à la probité dans les différentes administrations potentiellement impactées (retrouvez son discours).
(c) Celia Bonnin / MINEFI
Une première table ronde fut consacrée au risque de déstabilisation de l’Etat de droit. Animée par Isabelle JEGOUZO, directrice de l’AFA, cette table ronde a donné l’occasion à Jérôme DURAIN, Président de la Commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic en France, Laure BECCUAU, Procureure de la République à Paris et Patrick LEFAS, Président de Transparency International, de faire un état des lieux de la menace et de mesurer le risque d’infiltration des sphères économique et étatique par la criminalité organisée via la corruption. Il a par exemple été indiqué que si le phénomène corruptif est peu mis en évidence dans les décisions de justice relatives au trafic de stupéfiants dans les plateformes portuaires et aéroportuaires, ce phénomène est largement présent et poursuivi sous la qualification de complicité de trafic de stupéfiants, pour des raisons de procédure pénale.
La deuxième table ronde a mis l’accent sur les moyens d’infiltration du crime organisé dans la sphère légale. Animée par Didier JOUBERT, Commissaire Général de police, elle a réuni Christian DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Chef par intérim de l’Office antistupéfiants (OFAST), le Colonel Ludovic EHRHART, Chef de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et la santé publique (OCLAESP), Agnès THIBAULT-LECUIVRE, Cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) ainsi que Yann PHILIPPE, sous-directeur par intérim des acteurs publics de l’AFA. Face aux risques multiples d’approches criminelles, les intervenants ont souligné l’importance pour l’État de renforcer la sensibilisation et la formation de ses agents, la surveillance des fichiers les plus sensibles et de mettre en place des dispositifs d’alerte et de signalement efficaces. Parallèlement, la nécessaire mobilisation de certains acteurs économiques particulièrement exposés, par exemple dans les plateformes portuaires, a également été évoquée.
Le troisième temps des échanges a permis des regards croisés sur la dimension internationale du phénomène, en donnant la parole à Liana ESPOSITO, Procureure nationale antimafia adjointe en Italie, à Vincent JAMIN, Directeur administratif de l'Unité de coopération judiciaire Eurojust et au Général Jean-Philippe LECOUFFE, Directeur exécutif adjoint d’EUROPOL, en charge des opérations. L’exemple de la guerre que l’État italien a dû mener contre la mafia et l’intérêt de la création d’un parquet national anticorruption ont été exposés. De même, a été souligné la nécessité de renforcer les coopérations européennes et mondiales pour contrer des organisations qui disposent, elles aussi, de ramifications internationales. Le représentant d’Europol a ainsi indiqué que 71% des réseaux criminels avaient systématiquement recours à la corruption pour développer et protéger leurs activités.
Dans une quatrième table ronde, les réponses des services de l’Etat ont été présentées, témoignant d’une prise de conscience de l’accroissement du risque et des mesures engagées pour renforcer la prévention et la détection de la corruption dans les services régaliens. Animée par Pierre-Henri MORAND, Professeur d’économie, chargé de mission au sein de l’Observatoire des atteintes à la probité de l’AFA, cette table ronde a permis de mettre en évidence la nécessité d’une approche coordonnée des différentes administrations concernées. Il a également été rappelé l’intérêt à poursuivre les échanges de bonnes pratiques dont ont témoigné Marie-Line HANICOT, Cheffe de la mission de contrôle interne de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP), Christine DUBOIS et Benoît OLIÉ, respectivement adjointe à la cheffe de l'inspection des services et Chef de la mission maîtrise des risques à la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et Jean-Michel GENTIL, Chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale.
Enfin, la dernière table ronde a mis l’accent sur la stratégie de répression face au phénomène corruptif. Animés par Alice NAVARRO, Directrice adjointe de l’AFA, avec Laureline PEYREFITTE, Directrice des affaires criminelles et des grâces, Magali CAILLAT, Sous-directrice chargée de la lutte contre la criminalité financière à la Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) et Vanessa PERRÉE, Directrice générale de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), les échanges ont porté sur les leviers nécessaires pour renforcer cette stratégie de répression : développer la prévention par des actions de sensibilisation et une cartographie des risques plus complète ; accroître la répression en dotant les enquêteurs et les magistrats d’outils d’enquête plus performants passant par un certain nombre d’évolution du code pénal à envisager.
(c) Celia Bonnin / MINEFI
Le colloque a été conclu par Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
(c) Celia Bonnin / MINEFI
La rediffusion de chacune de ces tables rondes sera disponible sous peu.