Le 9 mars 2022, L'AFA et l'Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ), avec le soutien de l'École nationale de la magistrature, organisaient une journée d'étude dédiée à la recherche sur la corruption. Cet évènement a permis de croiser les regards, de multiplier les points de vue et les postes d’observation sur le phénomène corruptif.
Ces échanges transverses entre, d’une part, sciences humaines, sociales, juridiques ou encore économiques et, d’autre part, la vision et l’expérience des praticiens, ont permis de refléter la nécessaire collaboration entre ces différents champs d’intervention pour mieux connaître et mieux lutter contre le phénomène corruptif.
Partant de l’état de l’art réalisé par Maxime Agator, qui dressait en 2021 une revue de la littérature en matière de recherche sur les enjeux de corruption, les débats ont porté, dans un premier temps, sur les profils des corrupteurs et les relations de corruption et, dans un second temps, sur les perceptions sociales, la mesure et les réactions institutionnelles aux actes de corruption. La richesse des propos développés par les intervenants a permis de faire ressortir plusieurs enjeux clés dans la lutte contre la corruption pour les années à venir.
D’une réflexion initiale sur la notion d’ « illégalisme » et l’infinité d’arrangements possibles et observables en pratique avec la norme légale, le débat s’est recentré sur la nature même de la corruption, par essence invisible et cachée. Pour mieux appréhender les profils des corrompus et des corrupteurs, les déterminismes et motivations de ceux-ci et les schémas d’infraction, il convient donc d’ouvrir les services d’enquête et la Justice aux travaux de recherche, afin de favoriser l’accès aux « terrains ». L’AFA y travaille activement, par l’élaboration d’une cartographie nationale des risques de corruption qui inclut le recours aux apports de la recherche. À cet égard, elle encourage et coordonne les efforts de recherche et les appels à projets dans ce domaine. Ainsi, un appel à prestation financé par la gendarmerie nationale vient d’aboutir et donnera lieu d’ici l’automne à un travail d’analyse sur les procédures d’enquête judiciaire conduite par cette force en matière d’atteintes à la probité.
Ensuite, le traitement judiciaire des affaires de corruption, les réactions qu’elles peuvent susciter, constituent une étape que la recherche pourrait davantage investiguer. Si force est de constater la progression des actions de répression de la corruption au cours des dernières années, notamment depuis la création de services spécialisés, la connaissance du phénomène doit être encore enrichie pour favoriser l’efficacité des enquêtes et la révélation des faits. L’apport de la recherche a un rôle essentiel en la matière. Il est ressorti que l’un des enjeux est celui de la temporalité des procédures. Contentieux complexe quant à la charge de la preuve, le traitement des affaires d’atteintes à la probité est par conséquent plus long que la moyenne des affaires et si le temps court est celui de l’accusation, le temps long profite à la défense et à l’oubli voire l’indifférence. D’où le rôle clé joué, non seulement par les moyens alloués aux services, mais aussi par le concours des forces vives de la société (les lanceurs d’alerte comme les ONG) pour détecter la corruption, la nommer et traduire les faits en droit pénal.
Les intervenants ont aussi, en fin de journée, discuté de la nécessaire mobilisation des données et indicateurs de mesure pour rendre compte du phénomène et de sa perception par les citoyens. Ces indicateurs peuvent aussi en faciliter la détection par le recoupement des données et le recours à des mesures intermédiaires, pour identifier les effets et les mécanismes de la corruption. Les échanges ont fait ressortir les limites de la seule approche par les indicateurs et mis en garde contre les jugements trompeurs et limites que certains peuvent induire. Par exemple, un pays peut efficacement lutter contre la corruption domestique mais négliger celle d’agents publics étrangers par ses entreprises. Il convient donc, encore une fois, de croiser les regards et multiplier les points de vue. Ces échanges ont identifié une piste intéressante de travail concernant la corruption entre entités privées, encore peu étudiée et mesurée.
"Cette journée d’étude a confirmé que les travaux de recherche sur la corruption gagneraient à se développer en France"
En définitive, cette journée d’étude a confirmé que les travaux de recherche sur la corruption gagneraient à se développer en France.
Cette journée d’étude a facilité la discussion et la coopération entre les différents acteurs, académiques et praticiens et permis de de faire émerger de nouvelles perspectives de collaboration. L’AFA et l’IERDJ, dans leurs compétences respectives, veilleront à leur déclinaison.
>> Retrouvez les échanges de cette journée d'étude en rediffusion sur Youtube
>> Consulter le programme de l'évènement ainsi que les biographies des intervenants
>> Pour aller plus loin consultez l’état de l’art : La corruption vue par les sciences humaines et sociales